Causalisme et holisme

Causalisme

On peut définir le causalisme comme la méthodologie qui enquête sur la cause des troubles. Cette définition a le mérite de faire saisir d’emblée le champ auquel cette notion fait référence, à savoir celui de la méthode, ici celle du raisonnement médical qui s’attache à débusquer l’origine d’un trouble, d’une maladie ou d’un dysfonctionnement. On doit la première formulation de ce principe à Hippocrate, et on comprend donc pourquoi il est si important en naturopathie. Dans la Maladie Sacrée, Hippocrate s’attaque à la représentation religieuse de la maladie et soutient au contraire qu’elle est due à des causes naturelles. En mettant fin au règne d’Asclépios, Hippocrate opère une véritable révolution épistémologique, autorisant la médecine naissante à investiguer à partir de données physiologiques, et non plus exclusivement divinatoires sur le point de départ d’un trouble. Il fonde ainsi la possibilité de la médecine telle qu’elle a pu se développer jusqu’à nos jours en Occident.

C’est ce que vient souligner l’auteure de l’article consacré au raisonnement médical dans le Dictionnaire de la Pensée médicale : « Il est essentiel de connaître les causes d’une maladie car la thérapeutique en dépend ; voilà l’acquis majeur de la médecine hippocratique, en plus de sa dimension humaine qui demeure toujours un modèle pour les médecins d’aujourd’hui » (Masquelet, 2004). Ce principe de « tolle causam » est ainsi présenté par Hippocrate : «  pour être un bon médecin, cherche la cause du mal et traite-le ; pour être un meilleur médecin, cherche la cause de la cause et traite-la ; mais pour être un authentique thérapeute, cherche la cause de la cause de la cause et traite-la ».

Holisme

« Holisme » est un terme formé à partir de l’adjectif holos en grec qui signifie « entier », « le tout ». De là est issu le second pilier en naturopathie énoncé par Hippocrate : « home totus, tolle totum », qui signifie « traiter la personne globale ». Dans cette démarche, que partagent les médecines traditionnelles de nombreuses civilisations, ainsi que la plupart des médecines non conventionnelles, l’homme est considéré d’un point de vue global et englobant. Sont pris en compte et en charge tant ses aspects physiques et psychologiques, que les aspects sociaux, énergétiques et spirituels de son être. L’holisme considère comme primordial d’appréhender une personne dans son entièreté afin de la comprendre, et se cantonner à l’un de ses seuls aspects relèverait ainsi d’une vision appauvrie et déformée de la réalité, car le tout ne peut pas être expliqué par ses parties.

Il résulte également de cette conception que l’action sur une partie nécessite de considérer le tout. L’approche holistique ne met ainsi ni en doute la spécialisation médicale ni les traitements localisés ou soutenant plus spécifiquement un aspect de la personne. Mais elle supposera que les spécialités travaillent ensemble et en réelle complémentarité sur un cas, et qu’un travail psychologique soit par exemple envisagé en concomitance avec une réforme de l’hygiène de vie du sujet afin de susciter une synergie favorisant et accélérant le processus de guérison total. La globalité ne sous-tend pas une confusion entre « thérapie du corps » et « sauvetage de l’âme », mais envisage ces deux axes en complémentarité et à travers le même prisme, celui de la complexité formée par tout être vivant.

L’holisme peut donc être défini comme la prise en compte à la fois de l’unité fonctionnelle au sein d’un système cohérent et des interactions multiples entre les parties constituant le tout. En conséquence, cette vision systémique basée sur l’interdépendance permet de conclure que le tout est plus que la somme des parties, c’est-à-dire, pour schématiser, que 1+1=3.  La vision holistique naturopathique porte donc son intérêt vers la totalité de l’individu et sur l’harmonie fonctionnelle de l’ensemble : « Le regard se projette au-delà de la totalité organique, vers la totalité de la personne ayant un vécu psychologique et une position réactive globale spécifique au moment où surgit le déséquilibre physiologique » (André Lafon).

Enfin, la pensée holistique fait écosystème, en affirmant un rapport étroit et premier entre le milieu interne que représente l’organisme et le milieu externe ou cosmos, qui vivent des relations symbiotiques ou dysbiotiques, s’influençant mutuellement et continuellement. Cette approche ouvre donc à une causalité multiple et graduée, où chaque élément compte. C’est en ce sens qu’une attention particulière pourra être accordée aux mouvements des astres et à ceux de la lune afin de déterminer à quel moment un soin doit être effectué ou un produit administré, mais aussi aux différentes heures de la journée, par l’influence qu’elles exercent sur les différents organes et méridiens (l’horloge circadienne de la médecine traditionnelle chinoise). L’adaptation des conseils thérapeutiques suivant les saisons et l’influence toute particulière que celles-ci exercent sur chaque individu est également un incontournable dans l’exercice de la naturopathie. Du fait de ces interconnexions totales, la définition de la santé se voit dotée d’une acception beaucoup plus large qu’usuellement, sa préservation dépassant l’homme pour également prendre soin de tout ce qui l’entoure, et l’influence. Naturopathie et écologie sont indissociables.