Vitalisme
Par le principe de la « vis medicatrix naturae, », Hippocrate formule pour la première fois dans la médecine occidentale le principe du vitalisme. Celui-ci est défini dans l’ Encyclopédie historique de la naturopathie comme la « philosophie considérant une force vitale intrinsèque, siège de l’homéostasie et des processus régénérateurs biologiques propices à l’auto-guérison des troubles non lésionnels ». Le vitalisme est donc sous-tendu par l’hypothèse d’une force auto-régulatrice des fonctions organiques, siégeant à l’intérieur de tout être vivant et permettant à l’organisme de se régénérer en dehors de tout état pathologique, qui l’en rendrait momentanément incapable, car cette force serait trop affaiblie, tant en qualité qu’en quantité. L’approche naturopathique est fondée sur cette hypothèse, à tel point que la British Naturopathic and Osteopathic Association en a fait la pierre angulaire de sa définition : « La naturopathie est un système de traitement reconnaissant l’existence au sein de l’organisme d’une force curative et autorégulatrice vitale ». Si aujourd’hui les moyens scientifiques ne permettent pas de prouver l’existence de la force vitale, la naturopathie, par l’emploi de différents bilans, se montre cependant capable de l’évaluer et de la mesurer de façon indirecte (fièvre, vitesse de cicatrisation, temps de récupération après une maladie…).
Le vitalisme considère que l’être vivant est pris entre deux forces opposées : celle de son organisme biologique qui tend vers sa destruction et celle de la force vitale qui tend à la préservation de son existence. C. Bernard définit d’ailleurs le vitalisme comme la « force vitale qui serait en lutte incessante avec les forces physico-chimiques, et qui neutraliserait leur action destructrice sur l’organisme vivant ». Si l’organisme seul ou seulement l’une de ses parties sont considérés, comme c’est le cas en anatomie appliquée, le principe directeur et unificateur qui lui donne vie est manqué, et ne permet pas d’avancer une explication à la fois tangible et objective, puisqu’elle celle-ci resterait forcément partielle, oblitérant cette tension constitutive de tout être vivant. Étudier un organisme sous un angle strictement matériel et biologique revient à étudier un corps mort, niant que la vie et l’être participent de sa définition, ce qui est d’ailleurs un reproche souvent fait à la médecine moderne. Une synthèse entre les deux approches a été proposée par Bichat à travers sa célèbre affirmation : « La vie est l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort ».
De tous temps, et pour chaque civilisation on trouve des références à la force vitale : c’est la dynamis ou le pneuma chez les grecs anciens, où elle est perçue alors comme synonyme de mouvement et de souffle, ce qui a d’ailleurs donné naissance à la pneumatologie en naturopathie, l’appetus latin et le tonos des stoïciens, qui l’ont caractérisé en premier lieu par cette idée de tension vitale inhérente à tout être vivant. C’est le qi japonais, le chi chinois, le prana indien, le rouah hébreu, l’ankh égyptien, pour n’en citer que quelques-uns puisque chaque culture possède un terme qui lui est propre afin d’y référer. Dans la tradition philosophique occidentale, le premier à théoriser ce principe est Aristote, qui distingue l’âme des mécanismes biologiques et intellectuels. Paracelse fera ensuite mention des archées, Diderot de la force vive. Les œuvres de Schopenhauer mais également de Nietzsche sont imprégnées de ce principe, puisque la notion de volonté en constitue la tension fondamentale. Le « potentiel humain » d’Huxley est dépendant de cette conception de la force vitale comme volonté. Enfin, si Steiner parle quant à lui d’éthers et de forces formatrices, en référence à Kant, Einstein développera les notions de champs de métriques ou encore de champs quantiques, reliant définitivement la notion de force vitale à celle d’énergie et de mouvement, renouant ainsi avec la dynamis grecque. Le fait que cette conception soit plusieurs fois millénaires et de portée absolument universelle a de quoi nous faire réfléchir quant à la légitimité de son évincement en tant que donnée explicative par le positivisme et le matérialisme dominant la science actuelle.
Naturisme
La médecine naturiste doit son nom, pour la première fois en Europe, à L. Gleich, qui fonde cette école en 1849. Celle-ci associait alors des herboristes, des hygiénistes, des membres du courant végétarien ainsi que des praticiens en hydrothérapie, courant que L. Kuhne développe à l’époque et qui donnera ensuite le jour à la naturopathie moderne. L’article 1 de la charte de 1985 de la Fédération Française de Naturopathie, ou Fenahman, nous éclaire sur cette filiation avec le naturisme, déjà rendue évidente par l’étymologie commune des deux disciplines : « La naturopathie est la science fondamentale englobant l’étude, la connaissance, l’enseignement et l’application des lois de la vie afin de maintenir, de retrouver et d’optimiser la santé par des moyens naturels ».
La médecine naturiste va donc œuvrer à la santé de son consultant par la mobilisation des quatre éléments primitifs, l’eau, la terre, l’air et le feu (en médecine traditionnelle chinoise ces éléments sont au nombre de cinq : le bois, le métal, l’eau, la terre et le feu, tout comme en Ayurveda : l’eau, la terre, le feu, l’air et l’éther). L’hygiène de vie qu’elle propose comprend notamment de l’exercice physique et le suivi d’une alimentation naturelle et spécifique. « Natura sanat, medicus curat », autre principe hippocratique signifiant : « Le médecin soigne, mais c’est la nature qui guérit ».